CONDENSATION (météorologie)

CONDENSATION (météorologie)
CONDENSATION (météorologie)

Si les brouillards et les nuages matérialisent, dans l’atmosphère, la condensation en masses importantes de la vapeur d’eau, la rosée et le givre sont des phénomènes analogues, mais limités à la surface même de la végétation ou des objets qui sont au contact ou au voisinage direct du sol.

La vapeur d’eau est un gaz parfaitement invisible, qui n’est optiquement décelable que par ses bandes d’absorption, particulièrement nombreuses et importantes depuis le très proche infrarouge jusqu’à l’infrarouge lointain et les ondes millimétriques. Ce que l’on appelle communément «vapeur d’eau» n’est en réalité que la phase liquide qui apparaît sous forme de microgouttelettes dans une atmosphère saturante, lorsque la condensation intervient.

Il est bien évident que ce nuage visible de gouttelettes, qu’il s’échappe d’une chaudière ou qu’il se forme naturellement, comme les nuages ou les brouillards, prend naissance dans un milieu où certaines conditions thermodynamiques permettant le changement de phase vapeur-liquide sont localement réalisées. Le givre est un phénomène très comparable à la rosée, le changement de phase s’opérant ici dans le sens vapeur-glace (sublimation inverse). Bien entendu, ce phénomène de «rosée solide» ne peut intervenir qu’aux températures négatives et dans des conditions météorologiques comparables à celles qui accompagnent la rosée; on précise même qu’il ne se produit que lorsque le «point de givre» est atteint, et il faut bien se garder de confondre ces «gelées blanches» avec certains phénomènes dits de givrage, comme le givrage des avions, où le dépôt de glace n’est dû que pour une part infime aux transferts vapeur-glace (la quasi-totalité des surcharges en glace observées alors provient de la capture de gouttelettes ou de gouttes d’eau en état de surfusion).

1. Mécanismes de la condensation

Qu’il s’agisse de nuages, de brouillards, de rosée ou de givre, le phénomène fondamental est un processus thermodynamique à l’échelle microphysique, qui s’appelle précisément la condensation parce que le changement de phase vapeur-liquide ou vapeur-solide a pour résultat de condenser sous un faible volume, dans la nouvelle phase, ce qui était présent sous forme de vapeur dans l’atmosphère.

Le seul paramètre physique qui conditionne pratiquement les changements de phase d’une masse d’air, de contenu en eau-vapeur donné, est la température. Le degré Celsius zéro correspond, à la pression atmosphérique standard, au passage de l’eau liquide à la glace, et, au-dessus de chaque phase condensée, liquide ou glace, il y a, pour chaque température, une pression de vapeur bien déterminée. À 100 0C, par définition, la pression de vapeur de l’eau est égale à la pression atmosphérique standard. Mais pour toutes les températures inférieures au point d’ébullition, même les températures très négatives, l’atmosphère ne peut admettre qu’une certaine pression partielle maximale de vapeur d’eau.

Si l’on essaie, dans un volume donné, à une température donnée, d’introduire plus de molécules d’eau-vapeur que celles qui correspondent à cette pression maximale de la vapeur saturante, il se produit un état de faux équilibre que le moindre incident, la moindre impureté permettra de rompre. Tout se passe comme si ces molécules en surnombre, incapables de disputer leur place aux autres molécules, se trouvaient dans l’obligation impérieuse de se rassembler pour tenir le moins de place possible, en un mot de se condenser pour que la tension de vapeur d’eau ne puisse dépasser la valeur maximale autorisée par la température. Au-dessous de cette température critique, pour le contenu en vapeur considéré, la condensation intervient à cette valeur, appelée d’ailleurs point de rosée.

En réalité, cet état liquide de la matière correspond à un nombre relativement important de molécules d’eau rassemblées en un même point: de 50 à 100 environ pour former un embryon de germe liquide. La probabilité statistique de rencontre, au même instant, au même point, d’un aussi grand nombre de molécules isolées est tellement infime que jamais, en phase homogène pure, une quelconque condensation ne pourrait intervenir sans que soit au préalable réalisée une sursaturation considérable.

C’est alors qu’intervient un phénomène découvert par Coulier au siècle dernier: ce sont des impuretés en suspension dans l’atmosphère qui permettent à la vapeur d’eau de changer de phase dans des conditions normales. Ces impuretés, ou noyaux de condensation comme ils furent appelés par la suite, jouent le rôle de pièges, d’accumulateurs de molécules d’eau-vapeur et permettent ainsi au volume critique correspondant au germe de la nouvelle phase de se constituer petit à petit et d’engendrer la phase condensée au moment où la saturation est réellement atteinte.

L’efficacité de ces noyaux de condensation est très variable. En réalité, il existe une répartition spectrale de ces noyaux, non pas du seul point de vue dimensionnel, mais surtout du point de vue de l’efficacité. La présence ou l’absence de charges électriques, de sels hygroscopiques d’origine marine ou de molécules étrangères avides d’eau, font de ces impuretés, ou aérosols, dont les dimensions s’échelonnent de quelques centièmes de micromètre à quelques micromètres, des agents plus ou moins efficaces pour le déclenchement des phénomènes de condensation. Les particules les plus grosses et les plus hygroscopiques formeront déjà des gouttelettes à des humidités relatives bien inférieures à la saturation, dès 80 p. 100 dans le cas de grosses particules de chlorure de sodium. En revanche, les noyaux de condensation les moins efficaces exigeront des sursaturations de faible pourcentage pour absorber la vapeur d’eau excédentaire et initier les germes de la nouvelle phase liquide.

Ces changements de phase thermodynamiques s’accompagnent d’échanges importants de chaleur: il faut fournir 2 500 joules environ pour évaporer un gramme d’eau; inversement, la condensation de ce même gramme d’eau dégage 2 500 joules. De même, le passage à l’état de glace exige de retirer 333,6 joules par gramme d’eau à 0 0C, 333,6 joules devant être fournis à un gramme de glace à 0 0C pour la transformer en eau liquide.

Ces chaleurs de changement d’état jouent un rôle important dans le développement de certains nuages convectifs, surtout lorsque les températures sont positives au départ, et les quantités d’eau condensée par mètre cube d’air notables.

Le seul moyen d’atteindre la condensation pour une atmosphère contenant de la vapeur d’eau à une pression de vapeur non saturante est de refroidir l’air pour l’amener à une température telle que le nombre de molécules d’eau qu’elle contient corresponde précisément à celui de la saturation. Cet abaissement de température intervient de différentes façons dans la nature; pour les nuages et les brouillards, ces mécanismes sont pratiquement comparables. La rosée et le givre exigent, quant à eux, des conditions plus restrictives et plus particulières.

2. Rosée

La rosée se traduit par des gouttelettes d’eau perlant aux feuilles et aux tiges des arbustes, décorant la végétation au voisinage du sol.

La production de ce phénomène exige deux conditions: une nuit claire permettant au sol de se refroidir, par rayonnement, au-dessous du point de rosée, des vents pratiquement nuls pour éviter le brassage de l’atmosphère.

Par ciel très clair, la nuit, en l’absence de nuages formant écran, le sol et sa végétation émettent de la même façon qu’un corps noir, le maximum d’émission ayant lieu vers 10 micromètres, précisément là où une importante fenêtre de transparence existe dans le spectre de la vapeur d’eau. L’air en contact direct avec le sol va se refroidir et sa stabilité dans les quelques décimètres au-dessus du sol le met à l’abri des échanges turbulents avec l’air plus chaud des couches élevées, si le vent demeure toutefois suffisamment faible.

La végétation et les appendices naturels du sol formant radiateurs de déperdition atteignent ainsi la température du point de rosée et condensent à leur surface, sous forme de gouttelettes, la vapeur d’eau disponible dans l’atmosphère ambiante.

Après les premières heures d’insolation, l’échauffement direct du sol et de la végétation, et la turbulence qui en résulte échauffent l’air des basses couches et revaporisent la rosée formée la nuit ou aux premières heures du matin.

3. Givre

Le givre se forme dans des conditions assez analogues mais, bien entendu, aux températures négatives. Le givre n’est pas le gel de la rosée, c’est la condensation directe de la vapeur sous forme de glace sur la végétation ou sur les obstacles présentés par le sol. Il se traduit par le développement de formes cristallines variées, découlant du système de cristallisation de la glace par maclage, troncatures, etc., au gré des gradients de tension de vapeur au-dessus des microcristaux en formation.

Le givre, ou gelée blanche, peut se produire dans des conditions analogues à celles de la rosée, si la température est suffisamment basse et les vents pratiquement nuls. Il est à noter toutefois que, quelles que soient les conditions de formation du givre, la condensation initiale est presque toujours celle de la phase liquide. L’embryon d’eau ainsi formé gèle plus ou moins rapidement et, aussitôt, les transferts vapeur-glace prennent place car, pour une température négative donnée, les tensions de vapeur saturante par rapport à la glace sont, dans les domaines de température qui nous intéressent, notablement inférieures aux tensions de vapeur saturante par rapport à l’eau liquide en surfusion à cette même température.

Cela explique que le givre puisse se former et surtout croître rapidement en l’absence de ciel clair, dans des atmosphères de brouillards d’eau en surfusion, par évaporation des gouttelettes du brouillard au bénéfice des cristaux présents sur la végétation. Pour des vitesses de vent importantes, il y a capture mécanique des gouttelettes d’eau en surfusion par les obstacles déjà recouverts de givre et le phénomène prend alors le nom de givrage. Ces captures importantes par apport massif d’eau en surfusion font remonter le bilan thermique du dépôt par suite de la chaleur latente de solidification de la glace. Il se forme des dépôts de glace claire adhérente enrobant les objets au lieu de formations cristallines sous forme d’aiguilles et de dendrites de faible adhérence.

Tout comme dans le cas de la condensation en phase liquide, le changement de phase eau-glace est facilité par la présence, dans l’eau au-dessous de 0 0C, de noyaux de congélation ou germes microscopiques facilitant la formation de la phase glace. Dans ce cas, c’est la structure cristalline de l’impureté qui déclenche la formation de la phase glace avant d’atteindre des surfusions importantes. C’est ainsi que des germes isomorphes de la glace (système hexagonal, mailles de 0,4523 nm) présentant des affinités physico-chimiques convenables, forment des noyaux de congélation parfaits, efficaces à 0 0C. On peut dire que «l’eau se trompe» et continue l’édifice stable qui lui est présenté, empêchant ainsi l’agitation cinétique moléculaire de venir détruire les premières mailles de l’édifice cristallin qui tente spontanément de se former à la température de congélation. Selon la nature du germe et ses dimensions initiales, les propriétés glaçogènes des noyaux de congélation seront plus ou moins effectives, et entraîneront l’apparition de la phase glace à des températures plus ou moins basses.

4. Formation des nuages

Les nuages matérialisent dans l’atmosphère les portions d’espace où, par suite de certains mécanismes, les masses d’air ont pu se refroidir suffisamment pour atteindre le point de rosée (température pour laquelle la vapeur d’eau présente dans l’atmosphère a atteint la pression saturante).

Ce refroidissement intervient en altitude, au cours de l’ascension des masses d’air, par suite de l’abaissement de température qui accompagne la détente adiabatique de l’air qui s’élève. Les noyaux de condensation les plus efficaces joueront alors leur rôle d’initiateurs de germes liquides et les gouttelettes de nuages se construiront et croîtront sur ces germes. Une fois la phase liquide ainsi créée, la sursaturation ne peut plus se reproduire et les noyaux de condensation moins «réceptifs» à la vapeur d’eau resteront inactifs et finiront, dans les formations nuageuses stables, par être captés mécaniquement à la suite de divers mécanismes, comme le mouvement brownien ou la diffusiophorèse.

Si le nuage, ainsi formé à partir de son niveau de condensation, continue ce mouvement ascensionnel, sa température et la pression de vapeur saturante s’abaisseront encore et de nouvelles molécules d’eau-vapeur se transféreront sur les gouttelettes déjà formées, accroissant leurs dimensions.

Les nuages convectifs à grand développement vertical peuvent ainsi présenter un spectre de gouttelettes étendu, certaines pouvant atteindre 20, 30 ou parfois même 40 micromètres, selon les régions du nuage. En revanche, les nuages en couches, associés aux systèmes frontaux, présenteront une structure plus homogène, une granulométrie et un nombre moyen de gouttelettes par centimètre cube assez comparables à ceux qui existent dans les brouillards.

Ces nuages, composés au départ, autrement dit au niveau de condensation, de gouttelettes liquides, vont parfois s’élever très haut dans l’atmosphère; ils atteindront des altitudes où la température deviendra fortement négative et, progressivement, certains de leurs éléments se transformeront en glace. Cette apparition de la phase glace n’interviendra pratiquement jamais avant des températures de l’ordre de 漣 5 à 漣 8 0C; ce sera l’intervention des noyaux de congélation, dont l’efficacité varie avec leur nature et leurs dimensions, qui conditionnera ce nouveau changement de phase. Mais la probabilité de nucléation homogène de la phase glace, dans une eau absolument pure, devient telle, entre 漣 40 et 漣 41 0C, qu’aucune gouttelette d’eau en surfusion ne peut subsister plus de quelques dixièmes de seconde au-dessous de cette température critique. Dès qu’une gouttelette a pu se congeler, les gouttelettes d’eau en surfusion voisines s’évaporent pour venir se déposer, par diffusion moléculaire, sur la phase glace coexistante.

Ces transferts se faisant sous forme de vapeur, la gouttelette initialement congelée prend rapidement, au cours de sa croissance, un faciès cristallin dont la géométrie finale dépend des conditions régnantes de température ou, plus exactement, de la valeur de la sursaturation par rapport à la glace.

C’est ainsi qu’aux très hautes altitudes les nuages sont constitués de cristaux de glace. Dans certains cas, l’uniformité des conditions thermodynamiques permet à tous ces cristaux microscopiques de présenter le même faciès et la même orientation; des phénomènes optiques remarquables peuvent alors se produire, comme les halos et, plus rarement, des parhélies ou des gloires. Les cristaux des nuages de glace présentent toujours des dimensions très supérieures à celles des gouttelettes liquides du nuage originel. Cela tient à la faible teneur de l’atmosphère en noyaux glaçogènes efficaces. Ces transferts par diffusion de vapeur interviennent ainsi à partir de nombreuses gouttelettes au bénéfice de quelques rares germes de phase glace. Si, dans un centimètre cube, c’est parfois par centaines que se comptent les gouttelettes du nuage d’eau, la concentration en cristaux de glace, dans certains cirrus, ne dépasse pas quelques unités par litre. Il est vrai qu’alors ces cristaux peuvent atteindre des dimensions de l’ordre du millimètre.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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